Chambre de Gabriel

Tom fit une drôle de tête à la question de Gabriel. Evidemment qu'il avait l'air si mal que ça ! Quelqu'un qu'est pâle comme la mort, qu'a du mal à respirer et qui gémit, c'est pas quelqu'un qui fait la fête ! Enfin, c'était peut-être une question réthorique, même s'il la trouvait stupide. Il répondit quand même :

-Désolé de te décevoir, mais t'avais pas vraiment l'air de faire la fête.

En l'entendant faire de l'ironie, Lola lui jeta un regard qui sous-entendait clairement que sa remarque était déplacée. Tom haussa les épaules et lâcha un soupir avant de reprendre :

-En fait, si je veux être franc on aurait pu croire que t'étais à l'agonie.

Lola leva les yeux au ciel en l'entendant ainsi exagérer les choses. Evidemment, ses origines marseillaises le faisait extrapoler un peu trop à son goûts. Elle n'eut pas le temps de reprendre Tom que Gabriel leur expliquait déjà ce qui n'allait pas. En l'entendant parler de routine, elle se demanda si ces douleurs étaient son lot qotidien.

-Tu veux dire que t'as mal tout le temps ? S'enquit-elle.

En revanche, Tom n'entendit que la notion de mauvais rêves. Aussi, il enchérit :

-Et tu veux dire que ce sont des cauchemars qui sont responsables de ton état ?

Le jeune homme était assez observateur (autant qu'un voyant peut l'être) et aussi juste dans le choix de ses mots. A l'agonie, oui, c'était vraiment l'impression que j'avais eu aussi. Mais je n'eus pas le temps de lui répliquer à quel point ses paroles étaient justifiées que Lola s'inquiétait de nouveau. Une véritable petite maman. Si ça m'arrivait tout le temps? Je baissais la tête, tourné ni vers l'un ni vers l'autre.
" Si par tout le temps tu entends souvent, régulièrement, et bien...non. "
Ce n'était pas faux. En fait, si par tout le temps elle entendait absolument chaque seconde, alors la réponse aurait été oui. Quoi que ce ne serait pas tellement juste non plus car lorsque j'étais un tant soit peu occupé, c'était étouffé et presque oubliable. Le garçon reprit la parole, visiblement surpris qu'un cauchemar puisse causer autant de dégâts. Cete fois je me tournais vers lui pour répondre, ma tête penchée sur le côté, comme un chiot. Moi ça ne me surpenais pas tellement, dans le fond.
" Hum... j'ai dis cauchemar? Le mot est peut-être mal choisi... Et ce ne sont pas des mais un seul. "
J'avais la désagréable sensation de repousser le moment où je devrais leur expliquer. Je n'avaisp as spécialement envie d'en parler et puis en plus, je n'avais pas non plus envie qu'on ait pitié de moi.

-Qu'est-ce que t'entends par routine alors ? Demanda Tom en fronçant les sourcils.

Pour lui, la routine c'était souvent. Si ce n'était pas le cas pour Gabriel, ils ne devaient pas parler la même langue.
Quand il entendit Gabriel parler d'un seul cauchemar, Tom se posa évidemment la question que tout le monde se serait posé, à savoir, quel cauchemar. Et comme il n'était doué d'aucun tact et ne pouvait donc absolument pas penser que Gabriel ne souhaitait pas en parler, il demanda tout naturellement :

-Un cauchemar ? Quel cauchemar ?

Heureusement, Lola, elle, était douée de tact et se doutait que quelque chose qui vous met dans un état pareil, on a pas forcément envie d'en parler. Elle ajouta donc précipitemment à l'adresse de Gabriel :

-T'es pas obligé de nous en parler si tu veux pas hein ?

Elle jeta ensuite un regard lourd de sous-entendus à Tom. Comme ce dernier ne comprenait pas pourquoi elle semblait penser qu'il avait fait une gaffe, il se glissa dans ses pensées et vit qu'elle se disait. Il se retira donc de sa tête, se promettant de mieux surveiller ses paroles à l'avenir.

Tom ne semble pas très perspicace, pas très subtil. Ce n'est pas gênant, je peux l'être pour plusieurs personnes, on me l'a souvent dit: je suis trop figuré. C'est sûr que pour une aveugle, c'est un comble. Si j'avais pu, je l'aurais bien dévisagé d'un regard explicite mais malheureusement, ça m'est impossible. Je me contente donc de répondre à sa question:
" Ce n'est pas souvent c'est tout le temps. Ça ne s'arrête pas, si tu préfères... Souvent est un adverbe qui implique la ponctualité. "
Quand je suis sur un terrain qui me dérange, me déstabilise, j'ai tendance à un peu trop intellectualiser les choses, je m'en rends bien compte mais c'est plus fort que moi, c'est une façon de sécuriser mon esprit. Un pied déjà dans le plat, le jeune homme ne manque pas d'y ajouter le deuxième en m'interrogeant sur mon fameux 'cauchemar'. Lola, plus délicate que son ami, me dit que je ne suis pas forcé d'en parlé. Je ne suis pas un cachotier ou ce genre de chose, je ne vais pas les laisser dans le mystère. Je lui dresse un sourire triste et cherche sa main avec la mienne, la trouvant.
" Ne t'inquiète pas Lola, ça va. Au point où vous en êtes, ce n'est pas la peine de me taire. Comme je l'ai dit, le mot cauchemar n'est pas adéquat. Ce sont mes souvenirs qui me font mal. Là. "
Je tapote mon index sur ma tempe.
" Je... Il s'est passé quelque chose de... Quelque chose de pas... A Londres avec... Bref, je n'avais pas fini ma thérapie avant d'arriver ici alors ça me hante encore. "
Je me force à sourire mais malgré moi ma respiration et mon rythme cardiaques s'accelèrent. Je n'arrive pas à dire les mots. Je ne peux pas exprimer à voix haute ce qui m'est arrivé. Le problème, c'est que mon psy avait dit que ce serait la solution. Et bien ce n'était pas gagné...

La ponctualité. Franchement, Tom avait déjà du mal à cmprendre ce type, mais si en plus il employait des mots qui ne figuraient pas dans son dictionnaire, ça allait pas l'aider ! Ca se trouve ce n'était qu'un intello trop sérieux pour qu'ils s'entendent, songea-t-il en fronçant les sourcils. Il balaya cette pensée de son esprit, se rappelant ses bonnes résolutions, dont celle de ne plus être désagréable avec un mec sous prétexte qu'il est plus intelligent, plus beau, plus drôle ou plus subtil que lui. Heureusement, Gabriel ne semblait avoir que l'intellectuel. Le subtil à la limite, mais il n'avait vraiment pas l'air d'un rigolo, et ses yeux ... C'était MOCHE ! Et comme il savait que Lou accordait beaucoup de place au physique, il se dit qu'il n'avait rien à craindre de ce type, et qu'il pouvait donc faire un effort pour ne pas être hostile. Et puis ça ferait plaisir à Lola.

-Oui, je comprends, excuse moi, dit-il d'une voix calme.

Bien sûr, il n'avait absolument pas compris, mais il n'allait pas s'abaisser à l'avouer au jeune homme. Lola, elle, semblait parfaitement savoir qu'il n'avait pas suivi, s'il se fiait à son sourire ironique. Il lui tira donc discrètement la langue.
Lola leva les yeux au ciel devant l'attitude de son ami et observa Gabriel. Il ne semblait pas blessé par les propos de Tom. Il se proposait même de leur donnait des explications. Et dire qu'il se jugeait seulement pas contrariant ! C'était carrément un garçon adorable oui ! Lola serra la grande main de Gabriel dans la sienne, nettement plus petite, dans le but de le rassurer. Quand il se mit à parler, sa voix chevrotait un peu, et elle se douta que raconter ce qui s'était passé ne lui était pas très agréable. Quand il eut fini de parler, elle se dit qu'il leur avait assez parlé, ce n'était pas la peine de le questionner plus. Et comme Tom ouvrait la bouche pour le faire, elle le devança.

-Je comprends, murmura doucement Lola.

Elle avait failli dire 'je vois', mais s'était rattrapée à temps, jugeant l'expression inappropriée.

-Je suis désolée, ajouta-t-elle. Mais peut-être que cet endroit t'aidera à surmonter ça non ? Après tout un environnement familier à l'accident ne doit pas t'aider à oublier ...

Tom écouta distraitement la conversation tout en les observant. Ses sourcils se froncèrent devant la marque un peu familière de Gabriel qui avait pris la main de Lola. Comme il était plutôt primitif (c'était un mec quoi !), il pensa aussitôt que Gabriel draguait Lola. Là, devant ses yeux, sans gêne ! Quel toupet ! Le pire c'est qu'elle répondait à ses avances ! Bien sûr, il était à des lieux d'imaginer que c'était juste une marque de soutien, un appui, une main qu'on tendait à un ami pas bien. Il se demanda s'il serait judicieux de taoer un scandale devant un rapprochement si rapide. Et puis il se dit que Gabriel croirait qu'il en pinçait pour Lola. Ce qui n'était pas le cas vu qu'il la considérait comme sa soeur, mais il ne voulait pas qu'un mec puisse penser ce genre de choses. Il garda donc pour lui sa rancune et attendit que Gabriel daigne répondre.

Le verbe comprendre à quelque chose d'étonnant. Ce quelque chose c'est que la majorité des gens l'utilisent justement lorsqu'ils ne comprennent pas du tout. D'un autre côté, c'est le verbe le plus diplomatique qu'on puisse connaître alors on ne va pas se priver de l'utiliser, pas vrai? Ainsi, Tom et Lola comprenaient, chacun à leur manière. A l'intonation, je pouvais juger que le jeune homme disait ça par politesse, Lola par esprit de protection. Ce qui, au final, revenait un peu au même, avec plus de tacte et d'amtié de la part de la demoiselle. Sans raison, je me demandaient qu'est-ce qu'ils faisaient, si ils se lançaient des regards ou quoi. Rares sont les choses qui m'échappent, même si je suis aveugle, et les coup d'oeils en font partie. Et de tels silences entre chaque prise de parole ne pouvaient quesignifier une intercation muette entre eux. Je ne m'étais pas trompé sur leur complicité. Et là, la douce Lola a émis une hypothèse...
" J'y ai pensé mais, tu sais, un 'endroit' est un concept très abstrait tenant compte du fait que je ne vois rien. A par mes fréquentations, peu de choses changent pour moi. C'est sûr, ça peut faire la différence mais j'aurais aimé...enfin...je pense qu'il aurait été préférable que je dise en revoir là-bas avant de couper totalement les ponts... "
Évidemment, ils ne vont rien comprendre, les pauvres, ils ne connaissent pas la situation. L'idée c'est que j'ai laissé mes parents à Londres, dans un coma irréversible, et que la dernière phase de mon traitement post-traumatique était de faire mon deuil et de signer les papiers pour les débrancher. Moi disparu, ils ne sont probablement plus sous machine à l'heure qu'il est... J'ai cette sensation étrange, depuis mon arrivée, que j'ai été effacé de la Terre. J'ignore si c'est fondé mais ça reste une intime conviction.

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