La Chambre De Gabriel

J'ai d'abord cru être tombé de mon lit. Ca m'arrive rarement de me débattre dans mon sommeil, d'ordinaire. Mais depuis quelques semaines, je ne dors plus vraiment comme avant. Je me suis réveillé face contre terre. Que la terre est basse! Le sol n'était pas celui de ma chambre. Dans ma chambre il y a de la moquette. Ici c'était lisse comme du marbre mais ça dégageait de la chaleur. On avait construit les parterres en une matière qui m'était inconnue. Encore déstabilisé, je me redressais, mettais un genou à terre. Je tendis ma main droite: rien. Je restais calme et tendis ma main gauche. Ouf, un mur. Mais ce n'était pas non plus le mur de ma chambre, qui est crépit. Non, c'était duveteux. Je dois bien me rendre à l'évidence: je ne suis pas à la maison. Gardant ma main au mur, je me lève. Je longe alors le couloir. En supposant que c'est bien un couloir. Très vite, je trouve une porte. Je hasarde ma main sur la surface. Un sourire se dessine sur mon visage.

La Chambre De Gabriel BRAILLE_1245

" G... A... B... R... I... E... L... "
C'est bien mon prénom. Et c'est du braille. Enfin quelque chose de familier! Je monte ma main au dessus de l'inscription en braille et découvre que mon prénom a également été gravé dans la porte, sans doute pour les voyants. Je trouve rapidement la poignée et entre. J'avance dans la pièce, toujours en longeant les murs. Cet endroit est bel et bien pour moi: pas de décoration, pas de tableaux, les fenêtres sont des lucarnes placées haut sur les murs. La salle est de surface moyenne et d'une hauteur dont je ne peux pas juger. Je trouve, pour seul mobilier et qui me suffit amplement, un lit au centre et une armoire dans un coin. Je l'ouvre. Mes vêtements sont à l'intérieur. Je sais que ce sont les miens car ils sont marqués aux niveaux de certaines coutures, pour que je saches toujours, rien qu'au toucher, quoi va avec quoi, quoi mettre en quelle occasion, et caetera. Je referme le placard et découvre la salle de bain. Un peu fatigué, je décide de la mémoriser plus tard et vais m'allonger sur le lit. J'ignore si il fait jour ou bien nuit mais ça m'est égal, je ne peux pas dormir de toutes manières. Je reste donc étendu là sans rien faire ne pouvant ni agir ni me reposer.

Lou marchait à présent dans le coulori. Ses ailes étaient fatiguées de s'être agitées comme des folles durant ces dernières heures, ces premières heures dans cette étrange école. Et puis, c'était aussi rigolo et bruyant de voler en criant ou de marcher sur le sol en marbre avec ses talons aiguilles. Il faisait déjà nuit mais une ambiance chaleureuse régnait dans le couloir grace a des torches accrochées au mur. Ell regarda les différentes portes qui s'offraient à elle das le couloir et décida de toquer à elle qui était étrange, cele qui ne portaient pas de nom, seulement des points bizarres alignées de façon tout aussi étrange. Elle toqua donc quelques petits coups et attendit patiemment sur le pas de la porte.

J'étais étendu depuis un bon moment. Ou pas. Je n'avais pas vraiment la notion du temps dans cet endroit étranger. En tous cas le lit était confortable. Soudain quelqu'un a frappé à ma porte. De petits coups de filles mais pas discrets pour autant, comme effrontés. Je me suis redressé, intrigué. Je me suis levé et ai marché jusqu'à la porte. J'ai une bonne mémoire des lieux donc je n'ai plus eu besoin de m'aider du mur. J'ai ouvert, innocemment. Un parfum corsé de jeune fille m'a assaillit. C'est tout ce que je pouvais savoir de ma visiteuse. Je n'avais rien à lui dire. Je me contentais donc d'afficher un sourire interrogateur. Au bruit de sa respiration, je pus me tourner à peu de choses près vers elle. J'avais une main sur la porte et l'autre dans ma poche. Finalement, il allait bien falloir que je dises quelque chose parce que je réalisais que mon interlocutrice allait probablement flipper en voyant mon regard blanc. On m'avait prévenu de l'effet de mes yeux sur les gens non avertis.
" Er... Salut! Je peux faire quelque chose pour toi? "
Comment pouvais-je m'adresser ainsi à cette inconnue? L'endroit lui-même m'était inconnu! Je savais que c'était chez moi dans cette chambre mais pour le reste, blackout. C'est plutôt moi qui aurait du lui quémander des renseignements.

Lou entendit des bruits de pas, l'ouverture de la porte. Et comme à son habitude, elle jouaà à son jeu préfére : ' a qui appartient cette voix ?' . Elle laissa donc parler le jeune homme sans vraiment essayer de le regarder, pour deviner s'il était beau ou pas avant de le découvrir avec ses yeux. C'était peut etre un den leur point commun : elle devinait ce qui était devant elle avant de le voir. la différence c'est qu'elle, elle voyait après. Enfin, bref, la voix du jeune homme lui fit deviner qu'il était beau et viril. Puis elle le regarda, dans les yeux...

- Han ! -

Elle recula, mit ses mains à sa bouche. Peut - être que le garçon était très beau mais ... Ses yeux étaient blancs. Pas de pupille, rien. Blanvs, Blancs, Blancs. Etait-ce un film d'horreur ? Parce que Lou avait horreur de ça ! Elle remarqua que le garçOn ne la regradait pas vraiment en face. Etait-il aveugle ? Elle l'espéra fortement, parce que sa réaction avait été reès négative. Elle se rattrapa, voyant qu'il était plutôt beau et qu'elle voulait faire bonn e figure devant un jeune homme :

- Je ... Ne sais pas. Moi c'est Lou et toi ? -

Au cri de la jeune fille, je su qu'elle avait eu peur. Et pas qu'un peu. Ce type de réaction est toujours plus exprimé chez les filles que chez les garçons de toutes manières. C'était bien normal, je ne m'en formalisais plus mais ça fait toujours drôle d'entendre les gens sursauter au simple fait de vous rencontrer pour la première fois. Ce n'est jamais la réaction qu'on aimerait recevoir. Enfin bon, elle avait reculé d'un pas mais se rattrappa en se présentant. Elle se prénommait Lou et semblait avoir toqué au hasard car elle n'avait rien de spécifique à me demander. Si ce n'était mon nom.
" Je m'appelle Gabriel. "
Question simple entraîne réponse simple. Mais je ne pouvais pas faire comme si elle n'avait pas eu de sursaut, comme si je n'avais pas entendu son petit cri d'effroi. Elle se posait sans doute tout un tas de questions à mon sujet, sinon elle ne se serait pas rattrappée de sa vive réaction et serait tout simplement partie en courant.
" Au cas où tu te poserais la question, oui, je suis aveugle... "
Je ne cessais pas de sourire. C'était un réflexe chez moi. C'était presque ne plus sourire qui était un geste volontaire. Ca rassurait en général. Et c'était l'effet voulu d'ailleurs.

Lou sourit. Elle aimait bien ce nom, et essayait de regarder ailleurs que dans les yeux blancs du jeune homme pour ne pas trop s'effrayer. Puis elle dit, un peu confuse :

- Oh euh... D'accord... je suis désolée de ma réaction , je n'avais jamais vu des yeux ... Enfin... Tu n'as pas du voir ma réaction mais ... -

Les yeux blancs de Gabriel déstabilisaient Lou, mais elle se reprit et dit :

- Bon en fait si je suis venue toquer à ta porte c'est juste pour faire ta connaissance. Alors... Tu veux qu'on aille quelque part ?-

J'avais vraiment l'habitude de la réaction de Lou. Une fois une petite fille a demandé à sa maman si j'étais un fantôme. Les gens ont souvent honte de ce type de comportement effrayé et pensent toujours qu'on va se mettre en colère ou être triste. Moi ça me fait plutôt rire, je ne suis pas bête, je peux me mettre à peu près à leur place. La jeune fille au parfum corsé se prit les pieds dans le tapis en tentant de s'excuser. Elle était presque aussi maladroite que moi, sur ce coup. Mais c'est l'intention qui compte, ça je le sais. Je lui sourais toujours.
" Oublie ça, c'est pas grave, on me la fait presque à chaque fois le coup du petit cri apeuré. "
Elle m'apprit qu'elle avait effectivement toqué à ma porte par le plus grand des hasards, cherchant simplement à rencontrer quelqu'un. Ca je l'aurais compris. Quoi qu'elle avait du prévoir autre chose que moi. J'étais un peu comme un diable dans sa boîte, on m'avait souvent fait la comparaison. Elle me proposa d'aller quelque part. Moi j'avais plutôt la tête dans le gaz, je n'avais pour ainsi dire pas vraiment dormi depuis un mois. L'endroit, les ailes, tout était nouveau. Il fallait que je mémorise le plus de chemins possibles pour pouvoir me déplacer seul ensuite mais ce n'était pas réellement le moment. Mais de toutes façons, au point où j'en étais. Je la laisserais donc décider et la suivrai.
" Je ne sais pas, si tu en as envie pourquoi pas. "

Lou ressentit une espèce de dérangement dans la voix de Gabriel, et une expression infiniment petite sur son visage qui laissait présager qu'il n'avait pas super envie de bouger. Alors, elle sourit, meme s'il ne la voyait pas, puis dit de sa voiix douce, féminine et raffinée :

- Mais tu sais, si tu ne veux pas bouger, on peut rester dans ta chambre ... -

Elle voulait voir sa réaction, et si elle était négative, elle partirait. Tant pis, elle ne se voyait pas trop sortir avec un aveugle.

J'étais totalement crevé et d'une façon ou d'une autre, Lou s'en était aperçue. Ca m'embêtait un peu qu'elle ait aussi tout simplement pu croire que je ne voulais pas être avec elle car je n'avais aucune pensée négative à son égard. Moi je ne vois pas les gens, alors je les juge par rapport à ce que j'entends et sens d'eux. En l'occurence, la voix de Lou était modulée de façon très fine et douce. C'est donc de cette toute petite voix qu'elle me proposa de rester ici, dans ma chambre. Je souris. Elle était terrifiée rien qu'à me regarder mais voulait rester seule avec moi? Drôle de fille. Mais j'entendais qu'elle hésitais, voulait être gentille, avait à la fois envie de mieuxme connaître et à la fois envie de s'enfuir à toute blinde.
" Et bien si tu n'es pas trop effrayée, j'en serais ravi. "
J'ouvris la porte. Je ne savais même pas si ma chambre était éclairée. Lou y verrait-elle quelque chose avec de simples lucarnes qui ne devaient laissé passer qu'un mince filet de lumière, provenant du soleil le jour et du reflet de la lune la nuit? Dans un chambre d'aveulge il n'y a pas de lampes ou de lumières, c'est bien logique. Je m'écartais du passage, pour lui laisser le loisir d'entrer. Mine de rien, Lou m'intriguait et peut-être que d'être avec quelqu'un me ferait oublier mes cauchemars, au moins un moment.

Lou s'empecha de regader les yeux blancs du jeune homme puis elle entra. mais déjà quelque chose la frappa : il faisait noir dans la pièce. Il y avait peut etre un peu de lumièrequi filtrait des fenetres très hautes de la chambre, mais elle était grande et cela n'éclairaiot presque rien. Aucun interrupteur, pas d'ampoule, longiquement il n'en avait pas besoin. Cependant, ELLE en avait besoin. Et elle n'était pas prete a tenter l'expérience juste pour rester avec lui : elle préférait partir et perdre un ami que rester dans le noir comme ça. C'était Lou. Et tout ce noir commençait à lui faire peur. Elle laissa la porte ouverte et réfléchit. Elle prit uine torche du couloir et la mit à l'intérieur. Instantanément, sans savoir comment, la torche augmenta de volume et éclaira toute la pièce aussi bien qu'une lampe hallogène. Loiu sourit : malgré lma déco inexistante, cette chambre n'avait plus rien qui pouvait faire peur. Elle sourit et dit :

- Tu veux que je te décrives ta chambre ? Enfin je sais pas trop si ça t'intéresse ... -

Lou fabriqua quelque chose avant d'entrer. Elle prit un objet dans le couloir et le posa sur le sol de ma chambre. Il y eu comme un vrombissement très léger que Lou ne du même pas percevoir. Puis elle me proposa de me décrire ma chambre, disant qu'elle doutait tout de même que ça m'interesserait. Je compris alors qu'elle avait pris une source de lumière quelconque pour éclairer la pièce. En revanche, j'ignorait ce qu'avait été ce vrombissement. C'était une fille plutôt futée pour avoir eu la présence d'esprit d'accomoder ma chambre à ses besoin de voyante.
" Oui, j'apprécierais beaucoup que tu me dises la couleur des choses! Contrairement à ce que tu penses, j'aime bien savoir ce genre de choses. "
Ce que je venait d'avouer à Lou était illogique pour la grande majorité des personnes qui voyaient. Mais en fait, j'associe les objets aux noms des couleurs. Ainsi quand on me décrit un objet inconnu, je sais qu'il est de la même couleur qu'un autre. C'est ma façon à moi de 'voir'. Une grande arborescence associative s'était ainsi créée dans ma tête, au fur et à mesure que je découvrais des choses nouvelles.

- D'accord, alors ton lit est ... -

Lou s'arreta. d'abord, elle voulait mieux observer le lit pour voir exactement sa couleur, puis une question lui traversa l'esprit. C'était bizarre ce qu'il se passait ici, en elle : elle qui était d'habitude superficielle, s'intéressaiit aux couleurs et a faire la causette a un mec qui avait des yeux blancs et qui ne pouvait meme pas mater son maquillage parfait, sa poitrine galbée ou sa robe bleue électrique. Ce qui se passait, c'était que tant de nouveauté ladestabilisait et elle était curieuse de nature. Bref, la question était :

- Tu ... Tu as déjà vu un jour dans ta vie ? Je veux dire, pour connaitre les couleurs, et tout ça ? Tu vOiis les choses avec tes souvenirs de ce que tu as vu ? -

Lou s'apprétait à me décrire mon litm ais elle s'interrompit. Je ne comprsi d'abord pas pouruqoi, peut-être qu'elle ne connaissait pas le nom de la couleur ou bien avait-elle été surprise par autre chose. Mais non, je découvris un instant plus atrd que ce n'était ni l'un ni l'autre. En fait, une question la taraudait à mon sujet. Elle me demanda, hésitante, si j'avais déjà eu l'occasion de voir histoire de connaître les couleurs et pouvoir m'imaginer les choses qu'on me décrivait. Mais non, j'étais né comme ça, avec mes grands yeux blancs et aveulges. Je secouait odnc la tête négativement.
" Non, je suis aveugle de naissance. Je n'ai jamais vu quoi que ce soit. En tous cas, pas avec mes yeux: je me sers de mes mains pour voir. "
C'était vrai, je touchais les choses pour savoir comment elle étaient. Je pouvais rester un long moment à tourner et retourner un objet pour le connaître aussi bien qu'un voyant. Pour les personnes, c'est plus délicat car il est rare qu'elle me permette de les toucher et je les comprends parfaitement sur ce point.
" En fait je connais les choses par leur forme et leur texture, pour les avoir touchées. Un voyant me dis alors le nom de la couleur et je peux l'associer, pour savoir quoi à la même couleur que quoi d'autre. C'est certain que tu ne peux pas comprendre ce principe, tout comme je ne peux pas savoir ce que sont réellement des couleurs mais... "
Je haussais les épaules. Les voyants ne seraient jamais des aveulges, et vice versa. J'ignorait si Lou pourrait se faire à cette idée que je ne puisse pas la voir. Pour beaucoup de gens c'est un blocage. La plupart des gens aiment être regardés. Et peu de gens aiment que je les regardent à ma manière...disons...particulière!

Lou écouta attentivement les explications du garçon. Elle croisa ses jambes et passa la main dans ses longs cheveux blonds soyeu, geste qu'elle faisait souvent pour attirer le regard de son interlocuteur. Mais se rendant compte que c'était inutile avec Gabriel, elle cessa de se comporter comme une dragueuse invétérée et se laissa aller sur son lit. Elle s'imagina une seconde à sa place : ne pas voir sa tête dans le miroir le matin, ne pas savoir si elle avait de bouton, ne pas connaitre les couleurs de ses robes, ses fards a paupière. Choisir le mauvais fond de teint, ne pas accorder ses frignues. Non vraiment, elle ne pourrait pas etre a sa place :

- Non c'est sur je ne pourrais me pâs-ser de mes yeux... Tu es très fort. Bon. Ton lit est en bois avec une couverture plutot grisatre. Les meubles sont seulement une armoire, une chaise et un brueau, tous gris et en bois, accordés au lit. les murs sont blancs. Rien de bien passionant mais je pense que c'ets inutile de la déco ... Enfin je ne sais pas ... -

Puis elle s'imagina sa petite copine. Elle ne pourrait vraiment le toucher et le regarder dans kes yeux, avec ses yeux blancs ... Puis alors, une autre question survint dans sa p'tite tete de Lou :

- Dis, t'as déjà eu une petite copine ? -

J'entendis Lou s'asseoir sur mon lit pendant mon explication. A sa réplique, je devinais qu'elle trouvais ça très bizarre et se sentais soudain chanceuse de voir. Sans doute était-elle coquette, comme un peu près toutes les filles. Elle me félicita de si bien me débrouiller. Je n'avais aucun mérite, je devais bien faire avec, et je n'étais d'ailleurs pas le seul dans cette situation mais je me retins de le lui dire, puisqu'elle enchaina sur les couleurs de ma chambre. D'après ses dires, mes murs étaient comme le pelage d'un ours polaire et mes meubles comme celui d'une souris. Elle se permit d'ajouter qu'elle trouvait tout ça très peu passionnant. Je la comprenais sur ce point. Pour moi ça ne changeait strictement rien. Lou était une fille très curieuse car elle me posa soudain une question très inattendue. Inattendue mais qui me fit cependant sourire plus largement.
" Oui, évidemment pourquoi? J'ai 16 ans alors c'est bien normal, non? "
Décidemment, Lou était interessante. Il était évident que comme je n'étais pas la définition exacte du mot 'normal' (et c'était le moins qu'on puisse dire) je ne devais pas faire des choses normales. Mais si, absolument, gentille damoiselle.

- Comme ça ...-

Lou était un peu choquée, mais ne le montrait pas. Quelle fille avait bien pu vouloir sortir avec un mec qui a des yeux qui font peur? Quelle fille avait accepté le fait de sortir avec un gars qui ne peut pas la voir et lui dire comme elle est belle ? En même temps, elle comprenait le fait qu'une fille ait accepté de tenter l'expérience. Elle même aimerait sortir avec tous les types de gars de la Terre, a part les thons. Et il se trouvait que Gabriel n'était pas un thon, pas du tout même. Elle sourit, puis dit :

- Et tu en as une en ce moment ?-

Dans son 'comme ça', Lou laissait peser beaucoup de choses. Elle devait se demander comment ça se passait. Moi ça me faisait sourire qu'elle se demande sans doute ça parce qu'en fait, ça sa passait tout à fait banalement. Tout en restant probablement étrange d'un autre côté. J'avais eu des petites-amies aveulges aussi bien que voyantes. Bizarrement, c'est avec la seconde catégorie que ça avait le mieux marché. En fait, ma réelle qualité à leur égard a toujours été de les surprendre. Ma façon de les voir c'est en les touchant et qui n'aime pas les calins? Disons que mes relations avec les gens sont plus tactiles que celles des voyants entre eux. Ils adorent jouer du regard, paraît-il. Moi j'ai ce côté caressant qui peut plaire. Bien sûr, cela inclus de ne pas être horrifiée par mes yeux. J'ai rencontré autant de filles qui les ont appréciés que de filles qui les ont détéstés. Lou, toujours aussi curieuse, continua sur ce type de question. Moi je n'avais pas de raison de ne pas lui répondre, je n'étais pas du genre cachotier.
" Non, je suis célibataire depuis plusieurs mois maintenant. "
Il était certain que ce dernier mois en particulier, je n'avais pas vraiment eu la tête à ça. Mais ce n'était pas le moment pour moi de broyer du noir à nouveau alors j'enchainais sur l'audace de Lou. J'usais également d'un sourire ravageur dont j'avais le secret, m'avait-on dit.
" Et toi? "

- Ah ? Moi aussi ... On peut dire ça comme ça, à part quelques flirts ... -

Mais, chassez le naturel, il revient au grand galop... Avec un garçon aussi beaui, hormis ses yeux à ses côtés, et après avoir faiit l'aveu qu'elle était célibataire, qu'allait faire d'autre notre Lou nationale que le draguer ? Elle n'avait jamais dragué un aveugle, mais des beaux gosses elle en avait dragué, alors elle avait bien envie d'essayer avec lui, cela lui semblait intéressant et, qui sait ? Elle dit donc, avec une voix suave et basse, intime :

- Maiis tu saiis, j'ai toujours trouvé que les mecs qui peuvent me voir sortaient avec moi que parce ... Ils me voyaient, parce que j'suis belle ... Ils ne voient jamais plus loin ... -

Lou répondit affirmativement à ma question. Je m'y attendais, dans cet endroit étrange. En revanche le 'sauf quelques flirts' qu'elle ajouta me laissa penser qu'elle devait être très jolie et sûre d'elle. J'avais senti cette seconde qualité dans sa voix mais comment aurais-je pu deviner la première? En tous cas, ce qu'elle dit ensuite ne me détrompa pas. Elle ne me racontait pas ça sur un ton de confidence. Plutôt sur le ton d'une fille qui a besoin qu'on la rassure. Elle semblait, à l'entendre, lasse d'être considérée comme de la viande, lasse de devoir chaque matin se maquiller et faire attention à ce qu'elle portait. Je ne pouvais que supposer tout ça, mais son parfum m'avait bien aiguillé. Je ne savais pas trop quoi lui dire. C'est sûr, moi je ne pouvais pas la voir, mais je n'avais pas non plus vu encore plus loin...
" Je...er...suis sûr qu'en faisant cet effort, pourtant, ils ne seraient pas déçus. "
Alors là bravo Gabriel! Magnifique! Tu n'as jamais sorti quelque chose de plus stupide de toute ta foutue vie d'aveulge! Waw! Impressionnant! En même temps, je n'avais aucune idée de ce que j'aurais pu lui dire d'autre sans être encore plus ridicule. Lui dire que je la trouvais belle sans la voir aurait été parfaitement faux, puisque je ne la connaissais depuis même pas une heure. Lui dire que je ne pouvais pas faire autrement que de regarder plus loin que l'apparence aurait été trop audacieux. En fin de compte, je ne m'en étais pas si mal sorti. Et puis j'avais de quoi rattraper (enfin au moins un minimum) mon coup.
" Crois-en ma vision des choses...! "

Elle avait envie d'essayer, juste une fois, de l'embrasser, pour voir ce que ça faisait d'embrasser un aveugle. Et puis, il était quand même attirant... Lou regarda Gabriel, et l'écouta attentivement. Elle s'approcha plus près de Gabriel, très près, puis dit, de sa voix douce et suave :

- Oh t'es tropp miignon ... -

Elle lui sourit et passa encore une main dans ses cheveux, qui retombèrent en cascade sur ses épaules et dans son dos, même s'il ne la voyait pas, puis baissant encore la voix, elle dit :

- Finalement, j'comprend toutes ces filles qui sont sorties avec toi ...-

J'avais réussi à émouvoir Lou. Ca m'arrivait souvent d'émouvoir les gens, sans le faire exprès la plupart du temps. Là j'avais plutôt pensé la décevoir en disant ce que j'avais dit mais finalement, je ne m'en sortais pas si mal que ça. Elle s'approcha de moi, d'une démarche que j'entendais très chaloupée et discrète, presque féline. Elle était proche, très proche. Avec moi plus on est près plus ça m'arrange parce que je perçois mieux les gens ainsi. Et voilà qu'elle me disait que j'étais 'trop mignon'. Adorable cette fille, la féminité incarnée, le stéréotype de la jeune fille en fleur. On en rencontre peu des comme ça. Ce qu'elle dit ensuite, elle s'appliqua à le dire très bas, comme si elle ne voulait pas que je l'entendes. Au fond, elle devait bien savoir que j'entendais mieux que quiconque.
" Ca me vas droit au coeur c'que tu dis là... "
Ce n'était pas faux, un compliment reste un compliment. Je lui plaisais et c'était flatteur compte tenu du fait qu'elle semblait, à l'entendre, assaillie de prétendants et de flirts. Moi tout ce que je pouvais dire d'elle c'est qu'elle sentait bon et qu'elle faisait du son de sa voix tout un art de modulation et de maîtrise. Et dire qu'elle avait frappé à ma porte par hasard!

Il lui plaisait ? Bof, elle n'aimait pas trop ses yeux... Ce qu'elle voulait, c'était juuste pouvoir se vanter plus tard d'avoir embrassé un aveugle trop craquant. Et ed dire à tout le monde qu'il n'y avait pas que sa beauté que les mecs aimaient, vu que lui ne la voyait pas. Ahhh Quel bon plan ! Sii gabrie savait cela, penserait-il qu'elle était gentille douce et adorable ? Mmh ... Lpu ne réfléchit pas longtemps, elle n'était pas du genre à réfléchir trop. Elle se pencha sur gabriel, pose ses pettes mains frêles sur les épaules costauds du garçon, puis lui dit à l'Oreiille, tout doucement, allumeuse et sensuelel :

- Tu mfaiis craquer... Jpeux t'embrasser ? -

Alors ça c'était vraiment surprenant. On me l'avait jamais faite celle-là. Comment peut on avoir suffisament d'aplomb pour demander à quelqu'un si on peut l'embrasser? Cette fille-là était d'une confiance en elle à toute épreuve. Ca me fit sourire, de savoir qu'en ce monde une personne au moins pouvait se le permettre. Et dire qu'en plus cette personne avait ses mains sur mes épaules... Bien sûr que Lou pouvait m'embrasser, si elle en avait envie, je n'allais pas le lui interdire. Surtout qu'à l'entendre on en resterait là alors pourquoi pas? Je ne suis pas ce genre de garçon qui collectionne les filles, les prend puis les jette. Il paraît que je suis sensible et poète. Émouvant dans mon genre, m'avait-on dit une fois. Moi ça m'est égal, je suis comme je suis. Mais Lou aussi était comme elle était, et avec elle les choses prenaient un sens différents, comme si rien n'avait de conséquences, comme si elle était le symbole vivant du capre diem. Adorable mais un peu effrayant aussi, à bien y rélféchir.
" Ben si ça te fait plaisir.... Est-ce que tu penses vraiment que si je te disais non ça changerait quelque chose? "
Non, évidemment, elle partirait bille en tête, comme elle avait frappé à ma porte. Et moi je lui souriais toujours comme un gros abruti et en même temps je me disais que ça me rassurais d'avoir quelqu'un, peu importe qui, tout près de moi, même un bref instant, même pour rien.

Lou sourit et répondit, toujours aussi intimement :

- Je crois pas que iça changerait quelque chose ... -

Alors elle se pencha sur lui, ferma les yeux pour ne pas voir ceux de Gabriel, et embrassa passionément le garçon. Elle savait embrasser, et elle savait faire usage de ce savoir, pour faire croire à n'importe qui qu'elle était une fille passiioonnée et amouresue. C'était généralement complètment faux, mais être embrassé par une fille comme elle devait être un privilège pour chaque garçon, parce qu'elle aimait qu'on aime ses manières et sa façon d'embrasser. En fait, ce que Lou recherchait par dessus tout, c'était d'etre aimée de tous.

Lou savait quoi faire de sa bouche, et pas seulement pour parler. (Quoi que ça aussi, elle savait le faire à la perfection.) Elle était passionnée, sensuelle, voluptueuse, sublime et délicate dans son baiser. Or, je sais pas si vous vous souvenez, mais moi je suis aveugle donc, hypersensible au toucher. Les choses, je les sens beaucoup beaucoup mieux que les voyants. Disons pas mieux mais j'y fait plus attention. Et même si vous fermez les yeux, vous serez pas aussi subtil que moi xD. Oui, bon ben faut bien avoir des avantages dans un handicap, sinon on s'en sort plus. Bref, j'embrasse, m'a-t-on dit, vraiment bien. Donc, sur ce point, je m'assortissais plutôt bien à Lou. En tous cas, j'avais bien raison, même si je lui avais dit non, elle n'aurait pas renoncé à son idée de poser ses lèvres sur les miennes. Elle avait toujours ses mains sur mes épaules, moi j'ai toujours été maladroit mais il fallait bien que je mette mes mains quelque part alors j'ai opté pour sa taille étonnament fine. Et vous aurez beau pensé que ça ne sert à rien, quand j'embrasse, je ferme aussi les yeux. A croire que ça n'a pas seulement un rapport avec le fait de voir, c'est comme un reflexe conditonné, on peut pas s'en empêcher. Ca doit avoir un rapport avec une certaine concentration, une certaine canalisation des émotions qu'on veut faire passer quand on embrasse quelqu'un. Moi on m'avait dit que j'étais tendre. Lou, elle, était explosive. C'était un mélange à la fois drôle et doux. Je sentais que Lou avait envie d'être appréciée dans le domaine du baiser au moins autant que dans tous les autres. Pas si sûre d'elle que ça, finalement, si elle éprouve le besoin de faire ses preuves...

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